jeudi 29 juin 2023

États-Unis : la Cour suprême met fin à la discrimination ethnique dans les universités

La Cour suprême des États-Unis a mis un terme jeudi aux programmes de discrimination ethnique dans les universités.

La Cour suprême (bâtie en 1935)

Ses six magistrats ont jugé, contre l’avis des trois juges de gauche, contraire à la Constitution les procédures d’admission sur les campus prenant en compte la couleur de la peau ou l’origine ethnique des candidats.

Beaucoup d’universités ont considéré, à tort, que le fondement de l’identité d’une personne n’était pas sa mise à l’épreuve, les compétences acquises ou les leçons apprises, mais la couleur de sa peau. Notre histoire constitutionnelle ne tolère pas ça, a écrit le magistrat John Roberts au nom de la majorité.

En d’autres mots, l’étudiant doit être traité en fonction de ses expériences individuelles, mais pas sur des critères raciaux.  — Le juge John Roberts

Les étudiants asiatiques vent debout contre la discrimination raciale

Si l’on veut comprendre pourquoi de nombreux Américains d’origine asiatique considèrent la discrimination positive comme une abomination morale, un exemple cité par Rupa Subramanya :

Calvin Yang, 21 ans, est membre des Étudiants pour des admissions équitables (SFFA), une partie au procès contre Harvard devant la Cour Suprême.

Le curriculum vitae de M. Yang : il a été nageur et joueur de rugby dans l’équipe universitaire, il a fait partie du club de débat et a été classé premier dans le programme de baccalauréat international de son école. Il avait même lancé sa propre initiative, l’Alliance canadienne de la jeunesse pour l’action climatique, qui avait organisé la plus grande manifestation pour le climat de l’histoire de l’Amérique du Nord. Plus de 300 000 personnes s’y sont rendues, dont Greta Thunberg. En 2021, il a fait partie du Palmarès des 30 meilleurs moins de 30 ans du Canada. Il parle six langues (dont l’islandais et le chinois). Et il a obtenu un score de 1550 sur 1600 au SAT.

Mais lorsqu’il a posé sa candidature à Harvard, sa candidature a été rejetée. Idem pour Yale.

« Je pense qu’il y a vraiment beaucoup de préjugés et de stéréotypes à l’encontre de la communauté asiatique américaine », a déclaré M. Yang lors d’une interview.

Finalement, Yang s’est retrouvé à Berkeley, où il est aujourd’hui en première année. Mais il était toujours en colère. « Je me bats au nom des Américains d’origine asiatique et, je suppose, des communautés asiatiques du monde entier », a-t-il déclaré.

Il avait fait tout ce qu’il fallait. Harvard n’était pas d’accord.

Visions diamétralement opposées

Plusieurs universités très sélectives avaient introduit des critères raciaux et ethniques dans leur procédure d’admission à la fin des années 1960 pour corriger les inégalités issues du passé ségrégationniste des États-Unis et augmenter la part des étudiants noirs, hispaniques ou amérindiens dans leurs effectifs.

Ces politiques, dites de discrimination prétendument positive, ont toujours été très critiquées dans les milieux conservateurs qui les jugent opaques et y voient du racisme inversé.

Saisie à plusieurs reprises depuis 1978, la Cour suprême avait interdit les quotas, mais avait toujours autorisé les universités à prendre en compte, parmi d’autres, les critères raciaux.

Jusqu’ici, elle jugeait légitime la recherche d’une plus grande diversité sur les campus, quitte à faire une entorse au principe d’égalité entre tous les citoyens américains.

Jeudi, les magistrates de gauche ont vivement critiqué cette volte-face.

Combat de longue haleine

Cet arrêt trouve sa source dans une plainte déposée en 2014 contre les plus vieilles universités privée et publique des États-Unis, Harvard et celle de Caroline du Nord.

À la tête d’une association baptisée Étudiants pour des admissions équitables (SFFA), Edward Blum les avait accusées de discriminer les étudiants asiatiques. Ces derniers, qui ont des résultats académiques nettement supérieurs à la moyenne, seraient plus nombreux sur les campus si leurs performances étaient le seul critère de sélection, avait-il plaidé.

Après avoir essuyé plusieurs défaites devant les tribunaux, il s’était tourné vers la Cour Suprême qui n’a jamais été aussi diverse qu’aujourd’hui avec deux magistrats afro-américains et une Hispanique.

Mais la haute juridiction a été profondément remaniée par Donald Trump et compte désormais six magistrats conservateurs sur neuf, dont le juge afro-américain Clarence Thomas, un pourfendeur des programmes de discrimination positive dont il a pourtant bénéficié pour étudier à la prestigieuse université Yale.

Le gouvernement du président démocrate Joe Biden avait plaidé en vain pour cette discrimination demeure légale.

Voir aussi

Harvard accusée de discrimination contre les Américains d’origine asiatique (2018)

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L'excellence scolaire des jeunes élèves d’origine asiatique

Le correctivisme politique dans les universités « d’élite » américaines 

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